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"En Quête de Toits"  Texte de Thierry DESTREZ en 2004.      

Vous qui passez, donnez-vous le temps d'entrer dans la confidence.

Et puis, vous entendrez bien un vers ou deux sur le zinc...

Car le zinc, ici, a des secrets à vous révéler.

Il suffit que votre regard ose effeuiller discrètement des pages de ces livres entrouverts sur un peu d’invisible.

 

D'abord, levez la tête... Et si vous avez Ie bon coup d'œil, vous distinguerez Ià-haut sur les toits de Paris, au creux de Ia nuit, tout droit venue par je ne sais quel aqueduc dérobé, une silhouette énigmatique et agile qui vole furtivement de lucarne en gouttière à I'affût de quelque trésor oublié.

L'œil d’un chat sauvage voit tout. Il embrasse l'horizon aux mille toits, scrute les volumes, les Iignes et les pentes à la recherche du mets de choix : l'ardoise, la miette de métal ou la parcelle de zinc qui sera son oiseau rare.

Soudain, l'acrobate en quête de toits se fige comme limier a l'arrêt : infaillible, son regard a percé la nuit et deviné Ia pièce unique, exemplaire, que lui seul saura tout à l'heure dépecer et recomposer prestement.

Et voici le voleur de rêves, souple félin tôt de retour dans son antre, rue du Chat-qui-pêche, au pays des colombes en allées vers d'autres cieux. Dévêtant son pelage, il se met sur-Ie-champ à un ardent ouvrage : graver ses songes les plus chers pour nous conter l'instant parfait.Ses griffes seront ses brosses, Ia nature sa palette,. un étau l'écritoire, une pince sera sa plume et des Iarmes de lune une encre bien sympathique.

Pour son écriture - coup de patte ? non, sixième sens... ! C'est celle du temps qu’iI fait, du temps qui passe, des frissons d'eau ou des clapots, du vent de sable et de Ia pluie, quand celle-ci fait des claquettes à minuit et scande sur le zinc d'impertinents pizzicati émaillés d'ocre et rehausses de rouille ou de safran.

Ou bien la pluie fait sa méchante et fouette la tôle, creuse à vif dans la chair du métal, la crevasse et Ia grêle en fines ravines, mariant au vert-de-gris les bronzes profonds ou quelques ambres plus doux. La main du peintre, inspirée, sensuelle, vient se colleter avec la matière, sculpter une à une les pages du Iivre de sa vie : << Le chat des cent secrets ». Ainsi, chaque tableautin, chaque icône est comme I'arrêt sur image d'un désir entrevu, d'une promesse qui s'offre en rougissant...

Se fiant à son instinct, la main redonne peu à peu au zinc un relief tout neuf, joue avec les ombres, se grise de quelques entrechats mordorés, réorchestre les plans, déjoue les remparts de Ia pudeur et dévoile bientôt les plis indolents.

Sous la caresse des doigts l'aIliage reprend vie et s’assouplit, il roule, ondule et se prête aux étreintes de la paume experte. Vient le matin, Ie temps peut s'arrêter : l'Œuvre est transmué. Le Rêveur s'est échappé.

Il v a un instant vous étiez dehors, et vous voici dedans. Devenu confident intime, et même, amante ou amant. Venez plus près, tout contre, car au cœur est l'origine de la vie : un miroir plein de mystères, de ce mystère qui ressemble au vôtre. Votre œil le devine, votre cœur Ie pressent : vous voici tout à coup face à vous.

Alors, écoutez la chanson bien douce qui nait, Ià, pour vous plaire... Et entrez, sur Ia pointe des yeux, dans Ie monde des secrets, qui se murmurent en silence.

Musique Alexandre Destrez

Illustration d'aprés l'oeuvre de Dominique Piveteaud (Sculpteur)